Rigueur et ironie étaient bien au rendez-vous lors de cette soirée au cœur de l’actualité ce 27 novembre à La Maison du Livre. Avec un débat autour des Nouveaux mots du pouvoir, abécédaire critique paru chez Aden en 2007,
Patrick de
Lamalle (journaliste
RTBF) et ses
invités-Pascal Durand (
ULG, directeur de la publication),
Corinne Gobin (
ULB,
auteure de définitions) et
Mateo Alaluf (sociologue, auteur de
la chronique du Prêt-à-penser de la revue Politique)-nous ont offert un voyage critique au pays des mots que les politiques et les médias nous servent à la louche sans que tout un chacun n’y fasse trop attention, habitué
qu’il est de les entendre. Pourtant, ces mots, comme
gouvernance ou encore
populisme ont glissé de sens au fil du temps et sont signe d’un changement des choses.

Pascal Durand nous a raconté son agacement et celui de ses étudiants par rapport au vocabulaire utilisé par les médias et politiques dans des cartes blanches et autres éditos parus dans des grands quotidiens tels Le Soir, La Libre Belgique ou encore Le Monde. Vocabulaire qui est à l'origine de ce projet d'abécédaire critique ayant pour but de tendre un piège ironique aux discours de maintenant.
Tous les mots ne sont pas présents dans l'abécédaire, certains commencent à devenir obsolètes. Ce type de publication devrait peut-être être édité sur support électronique. Pascal Durand a lancé une idée qui me séduit beaucoup. Pour lui, un Wikipédia contre idéologique serait une bonne chose.
Pour Mateo Alaluf, l'important dans les mots du pouvoir c'est l'antonyme, notion qu'il a expliquée par des exemples : flexibilité/rigidité ou encore coût du travail/revenu. Il nous a également expliqué pourquoi il militait contre le mot allochtone qu'il définit comme un des mots les plus détestables utilisé par notre langue. Ce mot pérennise la vision d'une société duelle opposant ceux qui sont d'ici à ceux qui sont d'ailleurs. Un membre du public a fait remarquer que ce type de mot avait l'air d'être savant, scientifique, comme d'autres mots du pouvoir. Cela a fait rebondir les intervenants en expliquant que les mots du pouvoir étaient souvent des euphémismes. Exemple (hors livre) : dégraissage (utilisé par Claude Allègre alors ministre de l'Education nationale en France). Ce mot compare finalement les travailleurs à de la mauvaise graisse qu'il faut éliminer, c'est assez violent. On lui préfère actuellement le terme restructuration.
Corinne Gobin a quant à elle parlé des mots pivots. Pour elle, les mots ont du pouvoir car ils fonctionnent en réseau. Pour elle, le changement de régime se fait en douceur car on est happé dans un système qui nous éloigne de la démocratie. Elle a également insisté sur l'importance des mots corrélés dans l'abécédaire.
La soirée s'est terminée par un dialogue avec le public où il a entre autres été question du glissement de sens des mots, des problèmes de traduction. Exemple : feuille de route en anglais, roadmap en anglais. Le sens de Feuille de route a changé de sens au fil des temps : dans les années trente, la feuille de route était donnée aux réfugiés qui étaient expulsés, elle fut aussi l'ordre de mission d'un soldat et est devenue le terme définissant les grandes étapes d'une stratégie et son échéancier. Elle est plus rigide que le roadmap.
Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur cette soirée autour des mots du pouvoir (lapsus, mots ayant changé de bord,...) mais ce billet est déjà assez long... Je n'ai pas envie de terminer comme Patrick de Lamalle et comme le livre par le mot zéro mais par cette réflexion pleine d'humour venue du public : "Il existe des petites sœurs des pauvres. Je n'ai jamais entendu parler de grandes sœurs des riches".
Merci à Corinne Gobin, Mateo Alaluf, Pascal Durand et Patrick de Lamalle pour cette belle soirée nécessaire, pleine de rigueur, d'ironie et d'humour.
Edit du 5 janvier 09 :
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